Sainte-Pezenne
Quand tout fuit
intraduisible
quand la terre se ferme
en faillite
dans le printemps humide
on rouvre les yeux vers le ciel
dès l'éclaircie
On inspire les pollens qui dansent
on prend le temps de l'oiseau
qui souffle les derniers frimas
sur le fil du possible
On enfile son vélo
appareil en bandoulière
parce qu'il faut bien
que la peur disparaisse
en giclées comme flaques
Et l'on retrouve les chemins d'ici
en famille
de peur qu'ils nous quittent
On place en besace
la touffe hirsute
la bouse pépère
le château endormi
ses dépendances
et ses sentes parfumées à l'ail des ours
descendant vers le fleuve
qui charrie les souvenirs de sa crue
Et l'on croit revivre
en s'écartant des traces
jusqu'à la berge où nidifient les remugles
jusqu'à la passerelle privée désormais
comme l'île des pêcheurs
les pieds pris dans la gadoue infranchissable
comme la porte des marcassins
ou les murs de la grimpette
aux coureurs
L'église miraculeusement ouverte
qui promet roses rouges
reste silencieuse
dans la lumière chaude ressuscitée
de la fontaine des morts
Cellulaire en main
les deux fillettes s'y retrouvent sur le banc de pierre
Pourtant les cloches tintinnabulent
et sonnent les tulipes sur leur tapis de pissenlits
Un moteur tourne
rue du presbytère
On a croisé presque personne
malgré la douceur
Il est l'heure invisible
de se retrouver