Être de néant
Au début je n'étais qu'une trace – d'oiseau peut-être – dans le vent du désert, au milieu des tourbillons dessinés par les rares buissons. Et puis l'orage monta. Il plut, plut, plut. Beaucoup. Sans qu'on puisse compter les gouttes, sans qu'on puisse compter les jours. Il plut, et l'eau monta, monta, monta. Inexorablement. Sans qu'on puisse dire combien de temps la pluie tomba, ni même quand l'orage fut parti.
Quand le soleil s'éclaircit, quand le ciel redevint arc, la lune aussi sourit à l'envers et les arbres poussèrent, poussèrent. Pendant combien de jours, pendant combien de nuits ? Je ne puis le dire... Les arbres poussèrent et les oiseaux revinrent sur les branches. L'arc sourit dans le ciel, sourit, sourit, et il grossit, grossit, grossit. Alors j'ai vu deux gros yeux dans le quadrillage de l'arc redevenu ciel. Deux yeux verts qui veillaient sur l'arbre que j'étais devenu. Et si le brouillon confus de moi-même persistait encore dans ma petite tête d'oiseau changé en arbre, il était comme apprivoisé.
Et puis le quadrillage du ciel se distendit, libérant de colossales forces qui brisèrent les droites et réédifièrent des monts, recréèrent des courbes et l'ondoiement du bonheur. Tout en couleurs et en parfums.
Merci au pinceau malhabile du peintre qui coucha sur cette page l'histoire curieuse de ma métamorphose dans les compartiments géométriques de sa composition improvisée.